samedi 26 mars 2016

7 Intelligence artificielle et bêtise naturelle.

L'IA plus intelligente que l'homme  ?

Çà y est, Turing se retourne dans sa tombe, car le champion du monde du jeu de go, considéré comme le plus difficile, est une IA !
Cette nouvelle mérite une halte dans ma chronique, même si en réalité elle me permet de passer des messages que j'aurais de toute façon passés plus tard.
Les spécialistes annonçaient cette victoire de la machine dans une ou deux décennies mais les progrès de l'intelligence artificielle semblent s'être accélérés depuis près de 20 ans. Deep Blue de big blue en était le signe avant-coureur. Deep Mind de gogol en est la preuve.
De plus les techniques utilisées sont plus facilement généralisables que celles de Deep Blue qui mettaient en œuvre des techniques heuristiques spécifiques aux échecs, ainsi qu'un énorme catalogue des débuts et fins de partie.
Dans le cas de Deep Mind, les techniques d'apprentissage non supervisé des réseaux "neuronaux" multicouches (c'est ce qui se cache derrière le nouvel acronyme de "deep learning") permettent d'utiliser des bases de données énormes pour optimiser un réseau de neurones artificiels (et virtuels) pour une tâche spécifique. 
(Voir article très détaillé de Yann LeCun du 24 07 2015 dans le Monde.fr, lien ci-dessous).
Au milieu des années 70, il y a déjà 40 ans, je suivais les enseignements de Jacques Pitrat et jean-Claude Simon à Paris VI pendant ma thèse en IA. Dès cette époque des chercheurs commençaient à travailler sur les réseaux neuronaux multicouches.
Dans les années 90, après la mode des systèmes à base de connaissances, c'était l'engouement pour les réseaux neuronaux. Dans le congrès ISAP (Intelligent Systems Applied to Power system) que j'avais organisé à Montpellier en 94, je crois que sur les 200 articles présentés, près du 1/3 présentaient l'utilisation des réseaux neuronaux. Feu de paille ! Rien de très opérationnel dans ce domaine précis.
Qu'est-ce qui a changé et a permis les progrès sans précédent du "deep learning" après 2000 ?
D'abord les gains de puissance énormes et continus des machines, beaucoup plus rapides, ce qui permet de mettre en œuvre des réseaux de très grande taille. Avant on devait se contenter de quelques centaines de neurones virtuels au mieux.
Mais surtout peut-être la digitalisation massive d'une quantité énorme d'informations structurées, qui permet de construire des ensembles d'apprentissage gigantesques, que l'on peut faire avaler aux réseaux neuronaux pour qu'ils optimisent leurs paramètres.
De plus, dans le cas d'un jeu où l'on peut dire qui a gagné à la fin de la partie, la machine peut faire de l'auto-apprentissage en jouant contre elle-même !

Ceci dit, si on demande à la même machine de jouer dans la foulée ne serait-ce qu'à la belote, ça ne marcher pas ... tant qu'on ne l'a pas entraînée à jouer à la belote.
Mais si l'on réfléchit un peu, c'est aussi notre cas ! Un bon joueur de GO qui n'a jamais joué aux cartes sera perdu au départ...
Finalement il est difficile d'imaginer ce que l'on ne pourrait pas faire faire d'intelligent à la machine.
Par contre,ce qui nous distingue - pour l'instant - c'est le nombre incalculable et la grande variété des tâches que nous avons appris à faire, des plus élémentaires aux plus sophistiquées.

L'IA va nous dominer !

Peut-être bien, pas tout de suite !
En tout cas ce sont les craintes affichées par quelques grands esprits !
La machine n'aura plus besoin de l'homme, qu'allons-nous devenir ?
En plein mythe du Golem !
Et il est vrai que l'homme est capable d'inventer des systèmes démoniaques, comme les bombes H, les outils de surveillance généralisée, les drones et les robots tueurs, des virus mortels artificiels...
Le vrai problème n'est-il pas la folie humaine plutôt que l'intelligence artificielle des machines ?
Asimov avait assez bien cerné le sujet avec ses trois lois de la robotique : encore faut-il que l'homme soit assez sage pour cantonner les machines à un rôle utile pour l'humanité.

La véritable menace / l'IA et la robotique

Ce qu'il faut vraiment regarder, c'est ce qui se passe aujourd'hui dans la production et les services : une utilisation de plus en plus perfectionnée des robots et des TIC (technologies de l'information et de la communication). On assiste à un déplacement des tâches : de plus en plus d'emplois dans la production et les services sont "détruits" par le développement de ces nouvelles technologies.
Dans un article précédent (on était loin de l'IA) j'avais expliqué comment un programme de tracé automatique de graphes PERT avaient permis de fermer une équipe d'une vingtaine de dessinateurs-projeteurs dans une société d'ingénierie. Aujourd'hui c'est à la puissance 10 (ou presque) que cela se passe partout dans le monde.
On crée une masse de chauffeurs-livreurs, mais on supprime une masse d'employés de bureaux, d'agents du commerce ou des banques, d'ouvriers qualifiés. Tôt ou tard l'enseignement sera touché à son tour, voire la médecine...

C'est une crise de civilisation que nous commençons tout juste à vivre !
Si l'on ne s'y attelle pas c'est un précipice qui va cliver la société entre les nantis (tout court) et les nantis de la connaissance, et les laissés pour compte, précaires ou chômeurs.



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