mercredi 11 juillet 2018

17 "Le numérique à l'origine d'une nouvelle fracture sociale"

Pour ceux que le sujet intéresse, je ne saurais trop vous recommander la lecture d'un article du Monde, intitulé : "Le numérique à l'origine d'une nouvelle fracture sociale"
Si, l'article est à mon sens assez objectif et équilibré, il explique bien mieux que je n'ai pu le faire dans mon blog, que si le numérique, incontestablement, crée de nouveaux emplois, il en supprime bien d'autres, essentiellement "intermédiaire". Des statistiques étayent cette thèse. Je me permets de citer trois passages,

S’il crée des emplois, le numérique en supprime aussi. Surtout, il a un autre effet pernicieux sur l’emploi : il le transforme, et pas forcément dans le bon sens. « Dans nombre d’entreprises du numérique, c’est 10 % d’emplois qualifiés et 90 % de gens qui font des cartons », rappelle abruptement Jean-Hervé Lorenzi, le président du Cercle des économistes.

« Extrême bipolarisation »

David Autor, professeur d’économie au Massachusetts Institute of Technology (MIT), a le premier théorisé ce phénomène, dans un article paru en 2013, « The Growth of Low-Skill Service Jobs and the Polarization of the US Labor Market ».
Il y explique en substance que la digitalisation supprime les emplois intermédiaires, remplacés par les robots ou des algorithmes, et crée un monde du travail « en sablier », avec, en bas, les emplois peu ou pas qualifiés (caissières, agents d’entretien, manutentionnaires dans les entrepôts, caristes…) et, en haut, les emplois à forte qualification (ingénieurs, développeurs, juristes, financiers…).
 Deuxième passage :
Autrement dit, le numérique, loin d’atténuer les inégalités, ne fait que les creuser, au détriment de la classe moyenne, déqualifiée et paupérisée. « La bipolarisation est extrême puisque à un emploi fortement qualifié peuvent être reliés jusqu’à cinq emplois peu qualifiés », souligne Patrick Artus, chef économiste chez Natixis.
Le mouvement se généralise. Aujourd’hui, il n’est pas beaucoup de métiers qui échappent au rouleau compresseur du digital. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a évalué le risque : moins de 10 % des emplois dans la zone OCDE pourraient, à court ou moyen terme, être totalement remplacés par des robots. Mais 25 % pourraient l’être partiellement. Entre 50 % et 70 % des tâches seraient réalisées par des machines ou des algorithmes, le reste du travail étant encore effectué par l’homme.
Troisième passage :

Emergence d’un « cybertariat »

Face à ce phénomène, certains n’hésitent pas à parler de l’émergence d’un « cybertariat » – une sorte de prolétariat de l’économie numérique. L’essor des plates-formes, dominées par les acteurs globaux que sont les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres Uber, fait pencher davantage encore la balance en faveur du capital.
« Ces entreprises superstars sont très efficaces et, avec des rendements croissants, elles obtiennent des rentes de monopoles, analyse Patrick Artus. Les nouvelles technologies contribuent ainsi à la hausse des marges bénéficiaires des entreprises et à la baisse de la part des salaires dans le revenu national. »

Le dernier point me paraît crucial et rejoint les analyses de Picketty : la part des revenus du "capital" s'accroît au détriment des revenus du travail,  ce qui se traduit par une montée des inégalités de revenus, mais surtout des patrimoines. Ce qui est vrai en France, même si l'inégalité des revenus croît moins qu'ailleurs. Inutile de préciser que cette montée des inégalités, accrue par le développement non contrôlé du numérique, porte en germe une fracture sociale explosive, aussi bien au sein des pays qu'entre les pays.