jeudi 19 octobre 2017

14 IA sur tous les tons

C'est fou le nombre de gens qui parlent d'IA. Une quantité impressionnante de petits maîtres répètent à l'envie les mêmes choses, plus ou moins bien assimilées, confondant bien souvent IA et réseaux neuronaux . De grands maîtres quant à eux, agitent le spectre d'IA dominatrices réduisant les humains à une déchéance oisive et miséreuse.

Des IA limitées.


NON, l'IA n'est pas encore à un degré de maturité telle que des IA contrôleraient des pans entiers de l'humanité. Certes l'apprentissage profond, appuyé sur des puissances de calcul colossales et des bases de données accessibles immenses a permis des percées spectaculaires dans un grand nombre de domaines, et pas seulement le jeu de go : des domaines entiers sont ouverts, dans les banques, les assurances, la médecine, voire la justice, la connaissance fine des préférences des consommateurs, la traduction automatique et la reconnaissance des images, des visages, de la parole ...

Mais pour autant, une machine IA, spécialisée dans un domaine, ne sait pas transposer le savoir de ce domaine dans un autre, même voisin. Si elle est championne de GO, elle ne saura pas pour autant jouer aux échecs, tant que l'on ne l'aura pas dressée à cela. Et réciproquement.
Si l'Analogie, comme le pensent Hofstadter et Sander, est le " cœur de la pensée ", les machines en sont très loin : or effectivement l'analogie maîtrisée est un des moyens les plus efficaces et est indispensable  pour construire des nouveaux concepts, ou étendre des concepts à d'autres domaines.

De même la capacité d'une machine IA à justifier ses conclusions est des plus limitée : les réseaux neuronaux, une fois "instruits" ont certes la possibilité de réactualiser leur apprentissage sur la base des scores de leurs réponses, mais ce ne sont en définitive que des machines à interpoler et à extrapoler. Une machine dont l'ensemble d'apprentissage sont des propos baroques (ou racistes) sortira des propos baroques (ou racistes).

Pour aller vers ce que certaines appellent l'IA générale, il faudra passer à un cran bien supérieur, avec des capacités de méta-analyse. Un peu comme passer la logique des prédicats du premier ordre à celle des prédicats du second ordre, voire plus si affinités. On n'a pas encore le bootstrap pour y arriver !

L'IA destructrice ?

Le vrai risque aujourd'hui n'est pas de voir l'humanité dominée par cette IA "générale".
Le vrai risque aujourd'hui, comme je l'ai déjà écrit, c'est une destruction massive d'emplois, moyennement qualifiés, dans le secteur tertiaire et les services.
Certes les bons esprits n'arrêtent pas de répéter que l'IA est un formidable atout pour les entreprises qui savent l'utiliser, et en plus leurs salariés vont in fine bien s'y retrouver ! Et le problème, c'est que c'est souvent vrai ! Alors, où est le mal ? Et bien, tout simplement, ce qui est bon d'un point de vue microéconomique ne l'est pas forcément sur le plan macroéconomique ! Pour une entreprise qui réussit et s'étend, combien vont disparaître ? Certaines entreprises grossiront en termes d'emplois, éventuellement plus "riches", mais globalement le nombre d'emplois va diminuer.
Autre erreur d'analyse courante : comme une machine IA peut rarement remplacer complètement un employé, on en conclut que le nombre d'emplois détruits est finalement modeste. En oubliant qu'il faut raisonner aux niveaux des tâches accomplies, et non des missions actuelles d'un employé donné. La réorganisation des chaînes de production, la redéfinition des emplois, si elles sont bien menées en même temps que l'arrivée des robots IA permettent de remplacer le "capital humain" par du "capital numérique". 

Brûler les machines ?

Peut-être pas. Le vrai problème est politique  : quelles sont les activités des humains de demain ? ou comment partager le travail ?
Comment éviter que le nombre des laissés pour compte ne s'accroisse pas ?
Comment faire en sorte qu'une petite minorité n'accapare pas le savoir et les richesses générés par nos robots numériques ?
Oui il faut repenser la formation, c'est évident, mais sans oublier que former des bacs + 5  chômeurs n'est pas un but en soi.